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BD : Sanlaville fait revivre San Antonio
Est-ce vrai que votre relation avec San Antonio est ancienne...
Mickaël Sanlaville : « Oui. Ma rencontre avec San Antonio remonte à l’enfance. Je ne lisais pratiquement pas de livres, au grand dam de mes parents, et un jour, ils ont laissé traîner des San Antonio. « On ne sait jamais ! ». Lire des choses interdites, grossières, c’est excitant ! J’avais 13-14 ans et c’est la révélation dès le premier album. D’autant que la couverture était dessinée par Wolinski ! Je n’ai jamais décroché. »
Et puis vous êtes Lyonnais, comme Frédéric Dard !
« J’ai grandi avec les personnages, et aussi les décors que Dard utilise. Je les connais sur le bout des doigts. Le fait de connaître l’œuvre de quelqu’un ne fait pas forcément de vous un spécialiste, et je me suis rassuré, senti légitime, en me disant que je connaissais parfaitement les lieux. »
Frédéric Dard a écrit 175 volumes. Qu’est ce qui vous a plus particulièrement dans le 51e, « Chez les Gones », paru en 1962 ?
« Ce n’est pas le meilleur, loin de là, mais il a, malgré tout, tous les ingrédients qui en font un archétype de la série : Béru, plus délirant que jamais, l’enquête est tordue... Et comme à son habitude, Dard fait de nombreuses digressions, s’échappe des enquêtes pour parler du Monde, pour avoir une réflexion sur la bêtise humaine. »
Qu’est-ce qui marche chez San Antonio, quel est le secret ?
« Ce ne sont pas ses enquêtes en tant que telles mais les personnages, tour à tour truculents, grandes gueules, charmeurs, colorés... À chaque tome de la série, on a rendez-vous avec San Antonio, Bérurier son adjoint, mais aussi avec toute une galerie de personnages hauts en couleur. »
Tous les registres de langue y sont utilisés, du plus châtié au plus grivois, sans compter les néologismes...
« C’est l’intérêt principal de la série car sans la langue de Dard, finalement, San Antonio ne serait ni plus ni moins qu’un inspecteur assez lisse. Il est presque minable, vit chez sa mère, est vieux garçon, n’arrive pas à s’engager, loin de l’image glamour que l’on colle à tous les agents comme OSS117 ou James Bond. »
Peu d’indications concernant le physique de San Antonio chez Dard. Comment construire le personnage ?
« J’ai malgré tout une vision précise de San Antonio depuis longtemps. Pour moi, c’est l’incarnation du beau, une icône de beau. »
Contrairement à Bérurier, gras, ordurier, violent, dégueulasse ?
« Oui. Et encore, je ne suis pas allé aussi loin que Dard. Si j’avais été fidèle au mot près, j’aurais pu tomber dans le sordide, et je n’en avais pas envie. C’est un personnage énorme mais attachant. Il est maladroit mais ne se rend pas compte de la portée de ses actes. J’ai eu un immense plaisir à le dessiner car il est visuellement très intéressant. Mais ce que j’ai aimé révéler, c’est le contraste qu’il y a entre lui et San Antonio. Chez Dard, les personnages sont complexes, inventifs et malgré tout, il a été estampillé avec mépris « auteur de romans de gare ». Il a toujours souffert de ne pas avoir été reconnu par ses pairs. »
Son album
Deux enfants ont disparu et leur instituteur est assassiné. Infiltré dans l’école, Bérurier se fait passer pour le remplaçant. La personnalité débridée du personnage crée des situations violemment décalées. S’échappant un temps de Last man (avec Vivès et Merwan, Casterman), il s’attaque à un monument et transforme l’essai. Grâce à un dessin d’une grande puissance visuelle et une palette de teintes organiques, son San Antonio reprend des couleurs et des formes. Une réussite.
Casterman, 96 pages, 16 €.