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Jean Dard / Frédéric Dard, quel rapport ? aucun

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J'ai lu dernierement cet article https://www.tambaweb.com/amadou-fall-decrypte-le-dispositif-colonial-dalienation/  où une phrase a retenu mon attention  « le gouvernement de la Restauration décida d’envoyer un instituteur au Sénégal, en la personne de Jean Dard, un Dijonnais (il est l’arrière grand-père de Frédéric Dard, l’écrivain français plus connu sous le pseudonyme de San-Antonio).  Jean Dard  instituteur français est bien connu (voir wikipédia  https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Dard  et n'a aucun lien de parentalité avec Frédéric Dard, écrivain.

 

Amadou Fall décrypte « Le dispositif colonial d’aliénation »

«L’enseignement, arme de domination», ouvrage paru aux éditions Edilivre, fournit un monceau d’informations sur une histoire de l’enseignement et, sans en être l’objet, donne en filigrane des éléments d’appréciation des préoccupations de notre temps

«L’enseignement, arme de domination», ouvrage paru aux éditions Edilivre, fournit un monceau d’informations sur une histoire de l’enseignement et, sans en être l’objet, donne en filigrane des éléments d’appréciation des préoccupations de notre temps y ayant trait. L’auteur, Amadou Fall, Docteur en «Histoire économique et social» et ancien directeur des Rédactions du quotidien national « Le Soleil », s’y est employéà situer l’école française dans « le dispositif colonial d’asservissement et d’exploitation ».

Ce livre qui reprend le mémoire de Maîtrise d’Histoire du Dr Amadou Fall, soutenu en 1978, à l’Université de Dakar, est une œuvre utile en cela qu’il fixe des chapitres du roman national et, par les questions qu’il aborde, permet une interaction du passé avec le présent et l’avenir. Les réalités et les enjeux d’aujourd’hui se sont situés au premier rang des préoccupations d’une autre époque. C’est l’une des belles leçons que l’on peut tirer de la lecture de cette production scientifique fleurie de sources de première main, au style noble mais dépouillé de fioritures. Le livre de M. Fall, qui a eu à occuper aussi le poste de coordonnateur général de l’administration du SSPP « Le Soleil », montre, pour ainsi reprendre une note tirée de la quatrième de couverture, « comment l’enseignement, dispensé durant la période (coloniale), a exclusivement été au service des intérêts métropolitains, sous le couvert fallacieux d’une mission éducative et civilisatrice ». Nous vous en livrons, ici, quelques extraits.

A l’origine, le prétexte de la civilisation

« Aujourd’hui que l’école française a atteint les endroits les plus reculés du Sénégal, on imagine difficilement que c’est à une époque relativement récente que le premier établissement scolaire a été ouvert dans ce pays. L’événement survint en 1817, un siècle et demi après les premières implantations françaises, dont celle, en 1638, du Dieppois Thomas Lambert sur l’île de Bocos, au milieu du fleuve Sénégal, et la fondation, en 1659, de Saint-Louis sur l’île de Ndar par Louis Caullier, un autre marin normand. Jusqu’alors, les familles coloniales, en fait, celles les plus nanties de Saint-Louis et de Gorée, confiaient l’instruction de leurs enfants mâles à des militaires, moyennant rétribution. Une telle situation ne pouvant perdurer, car non seulement la demande était de plus en plus forte avec la présence accrue des métropolitains à Saint-Louis, puis Gorée, Dakar et Rufisque, mais encore le colonisateur entendait exercer son pouvoir de contrôle sur le savoir qui était inculqué aux enfants de ses administrés blancs, métis et noirs. Il voulait que cela fût d’emblée en suivant le modèle en vigueur en France, sous prétexte d’étendre sa civilisation au-delà des siens, aux peuples africains. Ainsi, après le traité de Vienne, signé en 1815 avec les Anglais, et la rétrocession des possessions françaises sur lesquelles la « Perfide Albion » avait fait main basse, le gouvernement de la Restauration décida d’envoyer un instituteur au Sénégal, en la personne de Jean Dard, un Dijonnais (il est l’arrière grand-père de Frédéric Dard, l’écrivain français plus connu sous le pseudonyme de San-Antonio). Il débarqua à Gorée le 9 octobre 1816. Le colonel Julien Désiré Schmaltz, nommé commandant et administrateur pour le Roi du Sénégal, l’envoya, un mois plus tard, à Saint-Louis avec le premier détachement militaire et les autres fonctionnaires chargés de se faire remettre les services par les Anglais. Jean Dard ouvrit son école le 7 mars 1817 à Saint-Louis, dans un local qu’il avait pris en bail. Une autre fut concomitamment ouverte à Gorée ».

Instruire les Noirs dans leur langue maternelle

« L’enseignement dispensé dans ces deux établissements était, au départ, principalement destinéà une toute petite minorité d’enfants chrétiens. A Saint-Louis, Jean Dard expérimentera l’enseignement mutuel selon la méthode mise à jour par deux Anglais : Andrew Bell et Joseph Lancaster. Elle était basée sur un principe assez simple…Jean Dard, avec Dominique Daspres, l’adjoint venu de France qu’on lui affecta en 1818, tenta d’appliquer la méthode Bell-Lancaster, mais en associant au français le wolof, la langue maternelle de la plupart de ses élèves… (Et les progrès furent notables). [Après moult mésaventures causées par une église désireuse de prendre en main l’enseignement dispensé dans les colonies], Jean Dard adressa au ministre de la Marine et des Colonies un rapport dans lequel il proposait la création d’une école typiquement africaine où le wolof serait le véhicule de tout l’enseignement et où on apprendrait à l’enfant à penser et à agir en Africain. Il développa cette thèse dans l’avant-propos de son autre ouvrage, sa « Grammaire wolof », dont un large extrait est publié ci-après : «…Et si l’on se donnait la peine de leur apprendre à lire, àécrire et à calculer dans leur propre langue, ils pourraient, en peu de temps, prendre place parmi les nations civilisées…Que dis-je la civilisation des Wolofs est plus que négligée ; elle est mise en oubli puisque l’on a cessé d’instruire les Noirs du Sénégal dans leur propre langue. Car quoi que l’on en dise, il faut que les Noirs soient instruits dans leur langue maternelle. Sans cela, point d’établissements durables, point de civilisation. En effet, de quelle utilité peuvent être des mots français ou anglais répétés par un jeune africain quand il ne peut comprendre ce que ces mots signifient dans son propre langage ! »

L’école pour endiguer la vague islamique

Louis Léon César Faidherbe, nommé gouverneur en 1854, en remplacement d’Auguste-Léon Protêt (1850-1854), voulut contribuer à l’expansion de l’enseignement à Saint-Louis. Il ouvrit, en 1857, une école laïque au quartier Nord et une autre, en 1864, dans le quartier Sud. Convaincu qu’il ne pouvait arriver à ses fins sans les religieux chrétiens, surtout à Saint-Louis, Faidherbe mit les frères de Ploërmel à contribution, dans le souci de rendre complémentaire leur objectif de gagner le maximum d’autochtones à la foi chrétienne ainsi qu’à l’autorité coloniale, et de leur faire accepter le fait de l’occupation par un enseignement visant à former des résignés. Il ouvrit donc un front pour endiguer la vague islamique qui submergeait Saint-Louis et raffermissait ses bases dans le reste du Sénégal, nonobstant la puissance invasive de la France et de son église. « Nous sommes débordés de toutes parts par l’islamisme. Depuis deux ans, le nombre des musulmans de la Sénégambie a doublé et cela est vrai à Saint-Louis même. Tous les indifférents se font musulmans et même des Noirs élevés dans la religion chrétienne l’abandonnent. Cela s’est passé plusieurs fois sous mes yeux », s’inquiétait-il, le 11 avril 1856, dans une lettre adressée au ministre de la Marine.

L’église contre la prolifération des écoles coraniques

En prenant l’arrêté du 22 juin 1857 réglementant les écoles coraniques, Faidherbe donna amplement satisfaction aux responsables locaux de l’église catholique qui, depuis 1850, n’avaient de cesse de dénoncer leur prolifération. Avec les nouvelles dispositions légales édictées, ne pouvaient plus diriger des écoles coraniques que les ressortissants de Saint-Louis dûment autorisés et capables de donner à leurs élèves des rudiments de français. Ces mesures excluaient, de fait, de Saint-Louis les marabouts tidjanes qui fédéraient autour d’eux un nombre croissant de fidèles à Elhadj Omar Tall et à son combat. Faidherbe avait inauguré une école franco-musulmane dans la ville le 7 avril 1857. Les marabouts étaient obligés d’y envoyer leurs talibés âgés de plus de 12 ans, pour des classes du soir. Il se proposait de transformer progressivement les écoles coraniques pour en faire des instruments de rapprochement entre le colonisateur et les populations musulmanes… La réforme du 24 novembre 1903 stipulait que l’arabe fût enseigné dans les écoles de villages et régionales. Mais, il n’en fut jamais ainsi dans les faits, car le contraire aurait « dangereusement » accordé trop de place aux maîtres coraniques qui étaient quasiment les seuls à enseigner cette matière. La décision prise, en 1911, par le gouverneur général William Ponty et relative à l’emploi exclusif du français dans tous les actes et correspondances administratifs finit par exclure totalement les marabouts de l’instruction publique. Les écoles coraniques n’en continuaient pas moins de prospérer, malgré toutes les mesures draconiennes de contrôle édictées et mises en œuvres depuis Faidherbe… Partout le nombre d’écoles coraniques augmenta de façon exponentielle, comme pour défier l’administration coloniale. Ni la contrainte, ni la laïcisation de l’école française, ni l’introduction de l’arabe dans ses cours ne furent efficaces contre la prolifération et l’audience des écoles coraniques.

La pérennisation de l’état de domination

Si la fonction première de l’enseignement était de dresser l’indigène pour en faire une force d’exploitation opérationnelle et docile, le degré d’instruction et d’aliénation apportant la nuance, la seconde avait été de pérenniser au maximum cet état de fait au bénéfice du colonisateur. Dans cette intention, l’école, tout en contribuant à la destruction de l’économie domestique et à l’insertion des populations dans l’économie de marché, se devait d’empêcher ceux qu’elle avait instruits et formés d’avoir un esprit et des positions critiques envers le système, de retourner leur savoir et leur intelligence contre la France, d’avoir des velléités indépendantistes. Pour rassurer sa conscience, se donner bonne conscience, se justifier devant l’opinion publique métropolitaine qui n’était pas uniformément en sa faveur, mais également persuader les peuples sous domination qu’il n’avait d’autre finalité que d’améliorer leurs conditions de vie, le colonisateur ne pouvait brandir meilleur alibi que l’école. Après la conquête par les armes, la pacification, l’évangélisation, il n’eut pas de peine à trouver le prétexte de « l’éducation de la race entière », au nom de la mission civilisatrice de la « France éternelle, fille ainée de l’Eglise », et la nécessité impérative de porter le progrès au-delà des mers. Ce double alibi était fallacieux… L’on ne saurait passer sous silence la sincérité d’un Charles Régismanset, un haut fonctionnaire du ministère des Colonies et auteur d’un essai sur la colonisation. Il y notait ceci : « Nous attendons que les races africaines rapportent le maximum. Mais, que viennent faire ici la science, la justice, la bonté et surtout le progrès. Je ne souhaite point que l’éducation noire soit poussée trop en avant… ».

«L’enseignement, arme de domination», ouvrage paru aux éditions Edilivre, fournit un monceau d’informations sur une histoire de l’enseignement et, sans en être l’objet, donne en filigrane des éléments d’appréciation des préoccupations de notre temps

«L’enseignement, arme de domination», ouvrage paru aux éditions Edilivre, fournit un monceau d’informations sur une histoire de l’enseignement et, sans en être l’objet, donne en filigrane des éléments d’appréciation des préoccupations de notre temps y ayant trait. L’auteur, Amadou Fall, Docteur en «Histoire économique et social» et ancien directeur des Rédactions du quotidien national « Le Soleil », s’y est employéà situer l’école française dans « le dispositif colonial d’asservissement et d’exploitation ».

Ce livre qui reprend le mémoire de Maîtrise d’Histoire du Dr Amadou Fall, soutenu en 1978, à l’Université de Dakar, est une œuvre utile en cela qu’il fixe des chapitres du roman national et, par les questions qu’il aborde, permet une interaction du passé avec le présent et l’avenir. Les réalités et les enjeux d’aujourd’hui se sont situés au premier rang des préoccupations d’une autre époque. C’est l’une des belles leçons que l’on peut tirer de la lecture de cette production scientifique fleurie de sources de première main, au style noble mais dépouillé de fioritures. Le livre de M. Fall, qui a eu à occuper aussi le poste de coordonnateur général de l’administration du SSPP « Le Soleil », montre, pour ainsi reprendre une note tirée de la quatrième de couverture, « comment l’enseignement, dispensé durant la période (coloniale), a exclusivement été au service des intérêts métropolitains, sous le couvert fallacieux d’une mission éducative et civilisatrice ». Nous vous en livrons, ici, quelques extraits.

A l’origine, le prétexte de la civilisation

« Aujourd’hui que l’école française a atteint les endroits les plus reculés du Sénégal, on imagine difficilement que c’est à une époque relativement récente que le premier établissement scolaire a été ouvert dans ce pays. L’événement survint en 1817, un siècle et demi après les premières implantations françaises, dont celle, en 1638, du Dieppois Thomas Lambert sur l’île de Bocos, au milieu du fleuve Sénégal, et la fondation, en 1659, de Saint-Louis sur l’île de Ndar par Louis Caullier, un autre marin normand. Jusqu’alors, les familles coloniales, en fait, celles les plus nanties de Saint-Louis et de Gorée, confiaient l’instruction de leurs enfants mâles à des militaires, moyennant rétribution. Une telle situation ne pouvant perdurer, car non seulement la demande était de plus en plus forte avec la présence accrue des métropolitains à Saint-Louis, puis Gorée, Dakar et Rufisque, mais encore le colonisateur entendait exercer son pouvoir de contrôle sur le savoir qui était inculqué aux enfants de ses administrés blancs, métis et noirs. Il voulait que cela fût d’emblée en suivant le modèle en vigueur en France, sous prétexte d’étendre sa civilisation au-delà des siens, aux peuples africains. Ainsi, après le traité de Vienne, signé en 1815 avec les Anglais, et la rétrocession des possessions françaises sur lesquelles la « Perfide Albion » avait fait main basse, le gouvernement de la Restauration décida d’envoyer un instituteur au Sénégal, en la personne de Jean Dard, un Dijonnais (il est l’arrière grand-père de Frédéric Dard, l’écrivain français plus connu sous le pseudonyme de San-Antonio). Il débarqua à Gorée le 9 octobre 1816. Le colonel Julien Désiré Schmaltz, nommé commandant et administrateur pour le Roi du Sénégal, l’envoya, un mois plus tard, à Saint-Louis avec le premier détachement militaire et les autres fonctionnaires chargés de se faire remettre les services par les Anglais. Jean Dard ouvrit son école le 7 mars 1817 à Saint-Louis, dans un local qu’il avait pris en bail. Une autre fut concomitamment ouverte à Gorée ».

Instruire les Noirs dans leur langue maternelle

« L’enseignement dispensé dans ces deux établissements était, au départ, principalement destinéà une toute petite minorité d’enfants chrétiens. A Saint-Louis, Jean Dard expérimentera l’enseignement mutuel selon la méthode mise à jour par deux Anglais : Andrew Bell et Joseph Lancaster. Elle était basée sur un principe assez simple…Jean Dard, avec Dominique Daspres, l’adjoint venu de France qu’on lui affecta en 1818, tenta d’appliquer la méthode Bell-Lancaster, mais en associant au français le wolof, la langue maternelle de la plupart de ses élèves… (Et les progrès furent notables). [Après moult mésaventures causées par une église désireuse de prendre en main l’enseignement dispensé dans les colonies], Jean Dard adressa au ministre de la Marine et des Colonies un rapport dans lequel il proposait la création d’une école typiquement africaine où le wolof serait le véhicule de tout l’enseignement et où on apprendrait à l’enfant à penser et à agir en Africain. Il développa cette thèse dans l’avant-propos de son autre ouvrage, sa « Grammaire wolof », dont un large extrait est publié ci-après : «…Et si l’on se donnait la peine de leur apprendre à lire, àécrire et à calculer dans leur propre langue, ils pourraient, en peu de temps, prendre place parmi les nations civilisées…Que dis-je la civilisation des Wolofs est plus que négligée ; elle est mise en oubli puisque l’on a cessé d’instruire les Noirs du Sénégal dans leur propre langue. Car quoi que l’on en dise, il faut que les Noirs soient instruits dans leur langue maternelle. Sans cela, point d’établissements durables, point de civilisation. En effet, de quelle utilité peuvent être des mots français ou anglais répétés par un jeune africain quand il ne peut comprendre ce que ces mots signifient dans son propre langage ! »

L’école pour endiguer la vague islamique

Louis Léon César Faidherbe, nommé gouverneur en 1854, en remplacement d’Auguste-Léon Protêt (1850-1854), voulut contribuer à l’expansion de l’enseignement à Saint-Louis. Il ouvrit, en 1857, une école laïque au quartier Nord et une autre, en 1864, dans le quartier Sud. Convaincu qu’il ne pouvait arriver à ses fins sans les religieux chrétiens, surtout à Saint-Louis, Faidherbe mit les frères de Ploërmel à contribution, dans le souci de rendre complémentaire leur objectif de gagner le maximum d’autochtones à la foi chrétienne ainsi qu’à l’autorité coloniale, et de leur faire accepter le fait de l’occupation par un enseignement visant à former des résignés. Il ouvrit donc un front pour endiguer la vague islamique qui submergeait Saint-Louis et raffermissait ses bases dans le reste du Sénégal, nonobstant la puissance invasive de la France et de son église. « Nous sommes débordés de toutes parts par l’islamisme. Depuis deux ans, le nombre des musulmans de la Sénégambie a doublé et cela est vrai à Saint-Louis même. Tous les indifférents se font musulmans et même des Noirs élevés dans la religion chrétienne l’abandonnent. Cela s’est passé plusieurs fois sous mes yeux », s’inquiétait-il, le 11 avril 1856, dans une lettre adressée au ministre de la Marine.

L’église contre la prolifération des écoles coraniques

En prenant l’arrêté du 22 juin 1857 réglementant les écoles coraniques, Faidherbe donna amplement satisfaction aux responsables locaux de l’église catholique qui, depuis 1850, n’avaient de cesse de dénoncer leur prolifération. Avec les nouvelles dispositions légales édictées, ne pouvaient plus diriger des écoles coraniques que les ressortissants de Saint-Louis dûment autorisés et capables de donner à leurs élèves des rudiments de français. Ces mesures excluaient, de fait, de Saint-Louis les marabouts tidjanes qui fédéraient autour d’eux un nombre croissant de fidèles à Elhadj Omar Tall et à son combat. Faidherbe avait inauguré une école franco-musulmane dans la ville le 7 avril 1857. Les marabouts étaient obligés d’y envoyer leurs talibés âgés de plus de 12 ans, pour des classes du soir. Il se proposait de transformer progressivement les écoles coraniques pour en faire des instruments de rapprochement entre le colonisateur et les populations musulmanes… La réforme du 24 novembre 1903 stipulait que l’arabe fût enseigné dans les écoles de villages et régionales. Mais, il n’en fut jamais ainsi dans les faits, car le contraire aurait « dangereusement » accordé trop de place aux maîtres coraniques qui étaient quasiment les seuls à enseigner cette matière. La décision prise, en 1911, par le gouverneur général William Ponty et relative à l’emploi exclusif du français dans tous les actes et correspondances administratifs finit par exclure totalement les marabouts de l’instruction publique. Les écoles coraniques n’en continuaient pas moins de prospérer, malgré toutes les mesures draconiennes de contrôle édictées et mises en œuvres depuis Faidherbe… Partout le nombre d’écoles coraniques augmenta de façon exponentielle, comme pour défier l’administration coloniale. Ni la contrainte, ni la laïcisation de l’école française, ni l’introduction de l’arabe dans ses cours ne furent efficaces contre la prolifération et l’audience des écoles coraniques.

La pérennisation de l’état de domination

Si la fonction première de l’enseignement était de dresser l’indigène pour en faire une force d’exploitation opérationnelle et docile, le degré d’instruction et d’aliénation apportant la nuance, la seconde avait été de pérenniser au maximum cet état de fait au bénéfice du colonisateur. Dans cette intention, l’école, tout en contribuant à la destruction de l’économie domestique et à l’insertion des populations dans l’économie de marché, se devait d’empêcher ceux qu’elle avait instruits et formés d’avoir un esprit et des positions critiques envers le système, de retourner leur savoir et leur intelligence contre la France, d’avoir des velléités indépendantistes. Pour rassurer sa conscience, se donner bonne conscience, se justifier devant l’opinion publique métropolitaine qui n’était pas uniformément en sa faveur, mais également persuader les peuples sous domination qu’il n’avait d’autre finalité que d’améliorer leurs conditions de vie, le colonisateur ne pouvait brandir meilleur alibi que l’école. Après la conquête par les armes, la pacification, l’évangélisation, il n’eut pas de peine à trouver le prétexte de « l’éducation de la race entière », au nom de la mission civilisatrice de la « France éternelle, fille ainée de l’Eglise », et la nécessité impérative de porter le progrès au-delà des mers. Ce double alibi était fallacieux… L’on ne saurait passer sous silence la sincérité d’un Charles Régismanset, un haut fonctionnaire du ministère des Colonies et auteur d’un essai sur la colonisation. Il y notait ceci : « Nous attendons que les races africaines rapportent le maximum. Mais, que viennent faire ici la science, la justice, la bonté et surtout le progrès. Je ne souhaite point que l’éducation noire soit poussée trop en avant… ».


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